LETTRE OUVERTE AUX CHEFS D’ETATS, MEMBRES DE L’UNION AFRICAINE
SUR LA CRISE INSTITUTIONNELLE ET POLITIQUE AUX COMORES
Excellences, Messieurs et Mesdamesles Chefs et cheffes d’États, Messieurs et Mesdames les
Présidents et Présidentes,
Dans la perspective du prochain sommet des Chefs et cheffes d’États de l’Union Africaine du 5 et 6 février 2022 à Addis-Abeba, dont notre pays ,les Comores, est membre le Gouvernement de transition en exil de l’Union des Comores, a l’honneur de vous prier de prendre note que l’Union des Comores ne sera pas représentée par un dirigeant légitime, car l’ancien Président Azali Assoumani s’est maintenu au pouvoir après la fin de son mandat de cinq ( 5 ) ans , entamé le 26 Mai 2016 ayant pris fin le 26 Mai 2021.
Il évoque une réélection à la suite d’une présidentielle anticipée qui n’est pas sans être controversée et non reconnue par les observateurs nationaux et internationaux, notamment ceux de l’Union Africaine qui n’ont pu faire de rapport faute d’éléments crédibles du scrutin.
Ce sommet des chefs et cheffes d’États de l’Union Africaine se tiendra dans un contexte d’extrême tension politique et sécuritaire en Afrique qui se traduit, ces derniers mois, par des renversements de régimes jugés incapables de répondre aux exigences démocratiques et de justice des peuples d’Afrique qui veulent en finir avec l’extrême pauvreté de nos populations et particulièrement de notre jeunesse, l’impunité des détournements des deniers publics et des assassinats d’opposants, les inégalités en Afrique, les trahisons des dirigeants contre les intérêts des peuples .
La désignation de l’ancien Président Azali Assoumani au poste de vice-président de l’Union Africaine est un reniement de l’Union Africaine à ses valeurs et principes fondamentaux, rappelés dans sa charte et à son engagement à lutter contre la corruption, aux détournements des deniers publics et à garantir une culture de bonne gouvernance et d’État de droit en Afrique.
Cet engagement est conforme aux instruments pertinents et traités de l’Union Africaine, notamment à :
- – La convention de l’Union Africaine pour prévenir et combattre la corruption, adoptée en 2003.
- – La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance démocratique, adoptée en 2007.
- – La Charte africaine des valeurs et principes du service public et de l’administration, adoptée en 2011.
Cette désignation est une insulte à la mémoire des dizaines de victimes assassinées en toute impunité par des militaires sous le commandement du colonel Azali Assoumani et une injustice pour leur famille ; les prisonniers politiques, détenus depuis plus de trois (3) ans sans jugement. Cette affectation méprise les Comoriens et plus particulièrement la diaspora qui depuis trois (3) ans, manifeste tous les week-ends dans les plus grandes villes de France entendent défendre un État de droit en se mobilisant contre l’arbitraire du régime et ses exactions.
Cette désignation éloigne d’autant plus l’Union Africaine des préoccupations et inspirations légitimes des peuples d’Afrique qu’ils exigent une vraie réforme des pratiques politiques et la défense de leurs droits les plus fondamentaux. De nombreuses enquêtes ont pourtant été entreprises par des instances comme la Commission des Nations Unies sur les Droits de l’homme, la Commission Africaine des droits dehomme et l’Union Européenne qui ont reconnu le colonel Azali comme un dirigeant particulièrement autoritaire. Ces organismes se sont prononcés notamment en faveur de la libération des prisonniers politiques et condamnant les persécutions judiciaires et militaires.
L’absence de légitimité constitutionnelle et politique du gouvernement dirigé par Azali Assoumani, ancien Président de l’Union des Comores, contribue à la montée inquiétante de l’extrémisme et du populisme dans notre pays. Cette politique encourage l’exil massif de notre jeunesse dans des conditions périlleuses, cette jeunesse qui fuit l’arbitraire, la terreur, la répression militaire et les assassinats politiques, système érigé par lui comme mode de gouvernance.
Azali Assoumani est l’unique responsable de l’anarchie et de la crise institutionnelle aux Comores. Il s’obstine à se maintenir au pouvoir, par la ruse, la manipulation et la répression alors que son mandat de cinq (5) ans, entamé le 26 mai 2016, a pris fin le 26 mai 2021.
En effet, comme l’avaient constaté les observateurs de l’Union Africaine et les rapports des observateurs nationaux et internationaux de la COMESA, UA et EASF, déployés aux Comores, « les missions déplorent les incidents observés qui n’ont pas permis aux électeurs de sortir massivement pour exercer leur droit civique dans la sérénité. Ces dysfonctionnements ainsi que l’interruption des opérations de dépouillement, la collecte et le transfert des urnes par les éléments des forces de l’ordre ont, de ce fait, affecté le bon déroulement des opérations de vote et de dépouillement et par conséquent, de l’ensemble du scrutin. »
La Cour Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, saisie d’une requête par notre gouvernement, doit se prononcer sur les conséquences des décisions et engagements internationaux pris par Azali Assoumani, ancien Président de l’union des Comores depuis la fin de son mandat le 26 mai 2021.
Cette procédure suivie par nos avocats est fondée sur les dispositions de l’article 17 de la Charte de l’Union africaine en ce qu’elles exigent aux États membres de l’union Africaine le respect du principe d’un État de droit et l’obligation pour eux de faciliter « la participation populaire par le biais du suffrage universel comme un droit inaliénable des peuples ». La Charte rappelle aux États « leur engagement à tenir régulièrement des élections libres et justes. »
Après avoir constaté l’absence de légitimité constitutionnelle, politique et internationale du gouvernement d’Azali Assoumani au regard des violations graves et répétées des engagements internationaux signés par l’Union des Comores, notre organisation continentale et nos organisations régionales devraient s’abstenir d’accorder la moindre légitimité à ce régime ; ce même régime qui fait de l’impunité des assassinats des civils par des militaires, la torture, la terreur, la répression militaire, la mauvaise gouvernance des finances publiques ( dénoncées par le Président de la cour des comptes lors de sa conférence de presse tenue le 02 févier 2022) , la corruption, les détournements des deniers publics et l’enrichissement illicite de ses proches parents et famille son mode de gouvernance.
En effet, depuis la fin du mandat d’Azali Assoumani, le 26 mai 2021, la violation des valeurs démocratiques et des droits de l’homme s’est sérieusement intensifiée aux Comores avec maintien de l’interdiction des manifestations pacifiques, censure et emprisonnement des journalistes, provoquant l’exil de certains de ses opposants, et arrestations et détentions provisoires depuis plus de trois ans sans jugement, notamment de l’ancien Président Ahmed Abdallah Mohamed SAMBI, et d’autres personnalités politiques comme son prédécesseur Ikililou Dhoinine. Assignés à résidence surveillée depuis plus de trois
ans ( 3 ans ), ils sont écartés de la vie politique comme l’a constaté le rapporteur des Nations Unies sur la torture aux Comores et le rapport du Département d’État Américain dans son rapport du 30 Mai dernier.
ANotre pays est pris en otage par les membres de sa famille : ses enfants comme commandants dans l’armée et conseillers à la présidence ; ses neveux comme secrétaire général du gouvernement, substitut de procureur, président du tribunal et juge d’instruction chargé des dossiers sensibles impliquant des opposants ; ses cousins à des postes ministériels régaliens et ses courtisans qui occupent les postes de direction des grandes sociétés d’État et de la haute administration publique.
Par ailleurs, les actions de la police politique, disposant d’un pouvoir exceptionnel et agissant en dehors de tout cadre légal, inquiète déjà la population qui s’interroge sur la présence dans cette milice d’État, ces derniers mois, d’éléments étrangers dont les nationalités ne sont pas établies. Tout cela ne contribue qu’à renforcer le sentiment de terreur qui règne aux Comores et dans l’île Autonome d’Anjouan en particulier.
Cette île est une entité ciblée atrocement par le Colonel Azali Assoumani qui a déployé sur place des militaires et des milices composés d’éléments originaires de l’île de Ngazidja (Grande-Comore). Ces sévices ont fait subir à la population d’Anjouan des persécutions, la terreur et des arrestations arbitraires suivies de tortures inqualifiables, notamment auprès de femmes subissant des viols et de nombreux assassinats politiques avérés commis en toute impunité par des militaires sous le commandement du colonel Azali Assoumani.
Certains faits ont été soumis à Madame la Procureure de la Cour Pénale internationale et d’autres ont fait l’objet des plaintes au cabinet du Doyen des juges d’instruction près du Tribunal judiciaire de Paris.
Le Gouvernement de Transition en Exil de l’Union des Comores exhorte les chefs d’États, membres de l’Union Africaine sur cette situation périlleuse pour l’avenir de notre pays , sa stabilité et la sécurité dans notre région dans la mesure où le maintien au pouvoir d’un régime illégitime et répressif constitue un facteur important de risque très élevé de sécession et une menace sérieuse sur l’intégrité de notre territoire, sans renier le risque encouru d’une guerre civile à caractère insulaire.
C’est pourquoi notre gouvernement émet l’espoir de voir les États membres de l’Union Africaine à se pencher sérieusement sur le dossier des Comores et la crise institutionnelle et politique provoquée par Monsieur Azali Assoumani, pour trouver des solutions de sortie aux crises politiques et institutionnelles aux Comores et mettre fin pacifiquement à son pouvoir illégitime et dictatorial.
Quant au Gouvernement de Transition en Exil de l’union des Comores, nous ne pouvons pas laisser l’Unité de notre pays et son intégrité compromises par les actions malveillantes d’un homme assoiffé de pouvoir.
S’agissant du « dialogue » tel qu’il est envisagé par le colonel Azali Assoumani, il consiste en une tirade entre lui et les « opposants » qu’il s’est fait fabriquer lui-même. C’est précisément par cette stratégie qu’il passe outre les problèmes de fonds qui sont pourtant la cause des crises institutionnelles, politiques et socio-économiques que traverse notre pays sous sa présidence.
La solidarité des pays membres de l’Union Africaine, sous la Présidence de son Excellence Monsieur Macky Sall, pourrait, une nouvelle fois encore, contribuer à l’émergence d’un environnement propice à la tenue des États Généraux de sortie de crise et une transition apaisée, inclusive aux Comores sous l’égide
de l’Union Africaine. Cette solution serait une contribution précieuse de notre organisation continentale et nos organisations régionales face aux crises que traverse notre pays.
Dans les circonstances présentes, de persécutions et d’arbitraire, l’ensemble des forces vives des Comores et tous les partis politiques, sans exception aucune, les organisations de la société civile, la population et notre diaspora, espèrent et attendent beaucoup de l’action de l’Union Africaine sous la présidence de son excellence, Monsieur Macky Sall, Président de la République du Sénégal, de l’efficacité et le savoir-faire de la diplomatie sénégalaise.
Vous remerciant de la suite que vous voudrez bien donner à la présente, Nous vous prions, Excellence, Messieurs, Mesdames, les chefs et cheffes d’États, les Présidents et Présidentes, de croire en l’assurance de notre très haute considération.
Dakar, le 03 février 2022
MeSaïdLARIFOU,
Ancien candidat à l’élection présidentielle de l’Union des Comores
Ministre d’État, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement de Transition en exil de l’Union des Comores
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AGI