Deux des trois reporters ont été condamnés à onze ans de prison, tandis que le président de l’association écope d’une peine record de quinze ans derrière les barreaux. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un jugement purement politique, dont la seule motivation est d’intimider l’ensemble des citoyens vietnamiens qui se battent pour avoir accès à une information fiable et indépendante.
Le procès a été bâclé en moins de quatre heures… Le président de l’Association des journalistes indépendants du Vietnam (IJAVN), Pham Chi Dung, a été condamné ce matin, mardi 5 janvier, à une peine record de 15 ans de prison par le tribunal populaire d’Hô-Chi-Minh-Ville. Le vice-président de l’association, Nguyen Tuong Thuy, et son rédacteur en chef, Le Huu Minh Tuan, écopent pour leur part d’une peine de onze ans de réclusion chacun.
Ils ont été condamnés au motif de l’article 117 du Code pénal pour l’accusation fourre-tout de “propagande contre l’Etat”, régulièrement utilisée pour faire taire toute voix publique qui ose dévier de la propagande de l’actuelle direction du Parti communiste – une disposition qui entre en contradiction avec l’article 25 de la République socialiste du Vietnam proclamant la liberté de la presse. Le chef d’accusation précise également que les trois reporters auraient « régulièrement été en contact avec des opposants au régime » à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Conditions de détention déplorables
“L’ampleur des peines prononcées contre les trois journalistes de l’IJAVN est extrêmement choquante, déplore le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Rendu en amont du 13e congrès quinquennal du Parti communiste vietnamien, prévu à la fin du mois, ce jugement vise manifestement à éteindre toute forme de débat au sein de la société civile – débat dont se faisaient justement l’écho les membres de l’Association des journalistes indépendants. Leur place n’est pas derrière les barreaux.”
Désigné “héros de l’information” par RSF en 2014, lui-même ancien membre du Parti communiste, Pham Chi Dung avait été arrêté en novembre 2019, à son domicile d’Hô-Chi-Minh-Ville, dans le sud du pays.
Âgé de 68 ans, Nguyen Tuong Thuy a pour sa part été arrêté chez lui, à Hanoï, le 23 mai dernier. Deux jours avant son interpellation, un autre membre de l’association, Pham Chi Thanh, avait également été arrêté.
En juin, ce fut au tour de leur confrère, Le Huu Minh Tuan, d’être lui aussi interpellé et placé en détention. Représentant de la jeune garde des journalistes indépendants du Vietnam, il y couvrait la vie politique, avec un éclairage plus spécifique sur les efforts de démocratisation portés par la société civile.
Les trois reporters ont été placés en détention dans des conditions déplorables et maintenus au secret pendant plusieurs mois. Ils n’ont pas eu le droit de rencontrer leur avocat avant le mois de novembre 2020.
Le Vietnam stagne depuis de nombreuses années dans les abîmes du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF et occupe actuellement à la 175e place sur 180 pays.