Démocratie Sénégalaise : Un Duce, un César ou le Peuple

Selon plusieurs observateurs, la Démocratie ou du moins le modèle de démocratie à l’occidentale, qui se définit généralement comme la possibilité pour le peuple souverain de choisir ses dirigeants, adopté par la plupart des pays africains, traverse une phase critiqueen Europe caractérisée par des taux d’abstention croissants, la crise des grands partis, l’instabilité gouvernementale et le sentiment de plus en plus partagé que les élections ne servent absolument à rien. Cette situation d’aversion des jeunesses européennes pour la Démocratie est une question essentielle pour les férus du libre choix de leurs dirigeants ; elle est d’autant plus importante que ce sentiment se fait sentir aussi dans certains pays de la sous-région ouest africaine où ce modèle se fait malmener et chahuter par certains dirigeants issus des coups d’Etat militaires.

En Europe et probablement en Afrique, ce sentiment de défiance est à rechercher dans plusieurs causes telles que le défaut de renouvellement de la classe politiqueet sa décrédibilisation, l’inféodation des élites auxgroupes occultes, la corruption de ces mêmes élites politiques par les forces de l’argent et le triomphe du populisme.

En Afrique, ce ressenti est certainement renforcé par les effets pervers de l’impérialisme et de son prolongement, la mondialisation, régulée par les instruments de domination idéologique du centre ultralibéral (FMI, BM, OMC, le libre-échange etc.) qui crée les conditions d’exploitation presque gratuites de nos ressources avec leurs corollaires le chômage et lapauvreté ambiante; il s’y ajoute l’absence de formation idéologique des jeunes militants.

Le cas de la France est un cas d’école du processus d’inversion démocratique marquée par l’avènement,prévu, d’un Emmanuel Macron propulsé par les élites de la finance internationale dans un boulevard déserté par un François Hollande défaitiste.

La situation est encore plus préoccupante dans notresous-région ouest africaine avec les refus de partir de certains chefs d’Etats, les recours aux coups d’Etats et l’apologie du déni démocratique qualifiée injustement de formelle.

A ce titre, la sortie de l’ancien Premier Ministre Malien M. Choguel Kokala MAÏGA, à Bamako, contre la Démocratie Sénégalaise, en présence de son homologue Sénégalais M. Ousmane SONKO, a choqué tous ceux qui ont œuvré, de longue haleine, à la construction de notre Démocratie. Je signale que cette démocratie qualifiée, à tort, de formelle a généré trois alternances et que les institutions fortes de ce systèmese sont opposées avec succès aux velléités de report de la date de l’élection présidentielle de 2024 d’un Président en place; elles ont également débouté un Premier Ministre encore en fonction par un rabat d’arrêt.

M. Choguel, chantre d’une autre forme de démocratie,fait malheureusement aujourd’hui, les frais de son excès de zèle, à défendre l’indéfendable, au fond d’un cachot en attente de son procès pour corruption.

Nous sommes certes des Panafricanistes mais pas des panafricanistes des coups d’Etat.

En paraphrasant l’ancien Premier Ministre Britannique Winston Churchill qui disait que «la Démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais des systèmes», nous disons que la démocratie est meilleure que l’absence de Démocratie.

Au Sénégal, heureusement que notre Démocratie est différente de celle occidentale. Elle a pour soubassement des faits historiques, tels que l’élection du métis Saint Louisien François Carpot à la chambre des députés entre 1902 et 1914, les cahiers de doléances envoyés par les Saint Louisiens du Sénégal à la Convention de la Révolution française de 1789 et même la Révolution Torodo de Thierno Souleymane BAAL de 1776. Notre démocratie fut enrichie par des facteurs sociaux et culturels tels que les métissages ethniques, la tolérance religieuse, le cousinage à plaisanterie et les incursions intempestives de groupes tels que les confréries qui, normalement, sont hors du champ démocratique comme en Europe où les États ont éloigné l’Eglise de la chose publique en faisant, à outrance, la promotion de la laïcité.

Notre démocratie qui semble de prime abord fragile a donc fait les preuves de son efficacité en permettant au peuple de choisir les dirigeants qu’il veut.

Au total, les africains doivent inventer leurs propres modèles démocratiques. Au Sénégal, notre démocratie est en train de se forger sa propre identité par des apports féconds qu’il faut accompagner et formaliser.

L’étape cruciale que nous devons traverser est celle de permettre à notre démocratie de se doter de moyens pour se défendre contre son inféodation, la corruption, la concussion et les velléités de la mettre au service d’un homme, d’un clan ou même d’un parti politique. 

Le Sénégal n’a besoin ni d’un Duce à la Mussolini, ni d’un César à la Romaine ou d’un messie, notre République a besoin d’institutions fortes pour résister à tous les assauts; à l’image de forteresses imprenables à l’abri de la témérité des hommes.

Dr Massirin SAVANÉ

Membre du Secrétariat Exécutif de And Jët/Parti Africain pour

la Démocratie et Socialisme – Authentique (AJ/PADS/A).

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